Le Guide de la Percussion

par Amélie Stillitano & Raphaël Simon

Minéraux

Sommaire

Bouteille, vaisselle, verre à pied, carrelage, plaque en verre, vase, pot de fleur, gravier, granulés, pierres volcaniques, coquillages, briques, tuile, ardoise, pierres...

Caractéristiques

Il existe une infinité d'objets minéraux aux sonorités variées, déterminées par leur nature, les dimensions et la forme de l'objet. Plutôt que de dresser un inventaire forcément incomplet de ces objets et de leurs caractéristiques sonores, nous ferons l'inventaire des différents critères qui détermineront le choix de l'objet dans l'élaboration de l'instrumentarium.

Sustain

Les minéraux peuvent disposer d'un sustain très important, déterminé par de nombreux facteurs.

Dimensions : généralement plus les objets seront grands, plus la résonance obtenue sera longue.

Epaisseur : dépendant aussi du paramètre précédant, l'épaisseur du métal joue un rôle important sur la résonance. Les minéraux les plus fins (cristal...) sont généralement les plus résonants.

Forme : les objets présentant une forme cylindrique creuse auront un sustain plus important (vase, bol...), les nombreuses arrêtes cassant la résonance du son. A l'inverse un parallélépipède plein (brique...) n'aura aucune résonance. Par ailleurs les objets au volume important formeront une caisse de résonance naturelle prolongeant alors légèrement le sustain, même lorsqu'ils sont joués posés.

Support : pour conserver un maximum de résonance il est essentiel de réduire le nombre de points de contact de l'objet avec le support. On choisira alors de le suspendre à un portique, ou à pied de cymbale si une fixation adaptée et fiable le permet. Dans le cas d'un instrument posé sur une trap table, on le surélèvera par des systèmes de petites cales ou de mousses afin de limiter au maximum le contact avec la tablette. Posé à plat le sustain de l'instrument sera quasi inexistant.
 

Registre

Plusieurs paramètres influencent la hauteur de registre d'un minéral.

Dimensions : plus l'objet est grand plus son spectre est généralement grave.

Epaisseur : l'épaisseur du métal est déterminante, plus elle est réduite, plus le spectre sera généralement grave, et à l'inverse, plus  elle sera épaisse, plus le registre de l'objet sera aigu.

Baguettes : plus la baguette utilisée sera dure, et le diamètre de la tête réduit, limitant la dimension de la surface d'impact, plus elle privilégiera l'aigu du spectre d'un objet.

Dimensions

La dimension d'un objet influencera le sustain et le registre de l'instrument comme décrit ci-dessus, mais également son volume sonore. Toutefois compte tenu de la fragilité des minéraux, à quelques exceptions près on utilisera généralement des objets de dimensions réduites, plus faciles à manipuler, et qui résisteront mieux aux impacts des baguettes. D'autre part il sera compliqué et dangereux de trouver un support adapté pour de grandes plaques de verre ou vases, sans risquer de chute accidentelle et de blessure pour le percussionniste. Sans parler du transport et de la manipulation de l'objet qui nécessiteraient de nombreuses précautions, et des kilomètres de film à bulles !

Support

Suspendu : la fragilité des minéraux rend l'utilisation d'objets suspendus peu adéquate voire dangereuse. En effet il sera difficile de trouver un système de fixation qui convienne, percer les minéraux les amenant facilement à se fendre et les solutions de scotch et autres système D n'étant pas très fiables. D'autre part en cas de chute ou de casse sous l'impact de la baguette, les débris très coupants pourraient blesser le percussionniste ou même le public.

Posé : la meilleure solution consiste donc à disposer l'objet sur une trap table, ou sur un pied de caisse-claire, en le surélevant avec des cales et des mousses afin de conserver au maximum le sustain naturel du minéral.

Nature du minéral

La nature du minéral influe bien évidemment sur la sonorité de l'objet. Ainsi un saladier en terre cuite, en verre soufflé ou en cristal n'aura pas les mêmes caractéristiques sonores. Ces matériaux étant pour la plupart très fragiles, à l'exception des pierres et des briques, le choix de la nature du minéral dépendra également de l'utilisation que l'on souhaite en faire, et de la palette de nuances demandée. Verre et cristal ne pourront ainsi pas être joués au-dessus du mezzopiano. D'autre part, certains de ces objets peuvent parfois être rares et coûteux, notamment dans les plus grandes dimensions, et l'heureux propriétaire d'un vase en cristal de 40 cm de diamètre, ne le sacrifiera pas au nom de la percussion !

Baguettes, Mailloches, Mains ?

Baguettes de caisse-claire

Frappe possible avec l'olive ou la douille de la baguette, attaque très définie, privilégie l'aigu du spectre (surtout avec l'olive), sustain réduit. Ces baguettes ne sont utilisables que sur les minéraux les moins fragiles, et à l'inverse, leur légèreté ne permettra pas de faire sonner les matériaux massifs.

Utilisation : bouteille, vaisselle, carrelage, vase, pot de fleur, tuile, ardoise...

Baguettes de multi-percussion

Attaque bien définie, son puissant, spectre équilibré, sustain moyen.

Utilisation : bouteille, vaisselle, carrelage, pot de fleur, tuile, ardoise...

Baguettes de vibraphone

Attaque moyennement définie, spectre équilibré à grave selon la dureté de la baguette, sustain important. Cependant ces baguettes demeurent fragiles et on limitera leur utilisation dans les nuances fortes, notamment sur des matériaux très durs.

Utilisation : bouteille, vaisselle, carrelage, plaque en verre, vase, tuile, ardoise...

Sticks

Composés d’une série de brins en bois, son boisé et léger, attaque définie, privilégie l’aigu du spectre, sustain très réduit, palette de nuances réduite (pianissimo à forte).

Utilisation : bouteille, vaisselle, carrelage, vase, pot de fleur, tuile, ardoise...

Balais

Nombreuses possibilités de son en fonction du réglage de l'écartement entre les fibres du balai. Attaque définie mais micro impacts multiples, son aigu et très léger, palette de nuances réduite (de pianissimo à mezzoforte). L'utilisation des techniques « frottées » est particulièrement adaptée à ce type de baguette.

Utilisation : bouteille, vaisselle, verre à pied, carrelage, plaque en verre, vase, pot de fleur, tuile, ardoise...

Mains

On peut utiliser les mains sur de nombreux objets métalliques, ce qui permet une grande variété d’attaques et de nombreuses subtilités de jeu, palette de nuances réduite (pianissimo à mezzo forte). Ce jeu fonctionnera toutefois mieux sur les métaux fins, les coups de la main sur une enclume risquent de blesser l'interprète pour un résultat peu concluant !

Utilisation : bouteille, vaisselle, verre à pied, carrelage, plaque en verre, vase, pot de fleur...
Les minéraux pleins et massifs (pierre, brique...) ne sonneront pas à moins d'être percutés entre eux. On pourra, afin de libérer l'une des mains du percussionniste, poser l'un des deux éléments sur une trap table et venir le frapper avec le second. On veillera à ne pas sélectionner des objets trop grands et trop lourds, qui seront difficiles à prendre en main et fatigants à la manipulation, pour un résultat sonore équivalent. Attention également aux maladroits qui pourraient perdre un doigt dans le processus !

Techniques instrumentales

Modes de jeu

Frappe simple : la baguette frappe l'objet et remonte tout de suite. Il n’y a qu’un seul impact.

Redoublement : la baguette rebondit deux fois sur l'objet avec un contrôle précis. Le rebond est utilisé à la fois pour les roulements détaillés, mais s’emploie également combiné avec des coups simples afin de réaliser des figures rythmiques complexes.
Buzz : la tête de la baguette frappe l'objet et produit un nombre important et indéterminé de rebonds. Seules des baguettes à tête dure (caisse-claire ou multi-percussion) permettront de réaliser cette frappe.
Dead Stroke : la tête de la baguette reste collée à l'objet, étouffant directement le son, il ne reste alors plus aucune résonance. D'autre part pour réaliser cette technique il faudra s'assurer que l'objet est suffisamment stable pour rester collé à la baguette.
Glissé : consiste à glisser la tête de la baguette sur la surface du métal, la vitesse et le tracé du mouvement ainsi que la pression exercée sur la baguette permettant une grande variété d'effets.

Frotté : on conserve les caractéristiques du glissé mais en y ajoutant des mouvements latéraux du poignet plus ou moins rapides.
 
Ces deux techniques seront relativement peu sonores sur les minéraux lisses, mais auront un rendu intéressant sur ceux qui présentent une surface rugueuse comme le carrelage sablé par exemple. L'utilisation de balais est particulièrement adaptée aux effets glissés et frottés. Il est par ailleurs possible de mélanger les glissés et frottés avec les autres modes de jeu, de manière indépendante entre les mains (une main frotte, l’autre frappe), ou bien mêlée (les deux mains maintiennent les effets frottés tout en introduisant des éléments frappés dans le discours musical).
On peut également utiliser des minéraux type coquillage, pierres, morceaux de verre en grappe tenue à la main, ou suspendue à la manière d'un chimes, ou de petits minéraux (gravier, cailloux, pierres volcaniques...) regroupés dans un contenant, que l'on utilisera comme un shaker. Selon le format choisi, on se reportera aux fiches de ces instruments, et tous leurs modes de jeu seront applicables.

Roulements

Alterné : pas de rebonds, les mains alternent à chaque note. Ce type de roulement n'est pas très rapide, ne faisant appel qu’à l’articulation des poignets et non aux rebonds des baguettes.
Détaillé : chaque baguette rebondit deux fois seulement, attaques perceptibles même à très grande vitesse.
Buzz : la tête de la baguette frappe l'objet et produit un nombre important et indéterminé de rebonds. Roulement très fourni, et inarticulé, attaque quasi imperceptible.

Etouffements

Il est possible d’étouffer la résonance du minéral après la frappe en posant la main silencieusement sur l'instrument. On peut choisir de réaliser un étouffement plus ou moins rapide et net.

Effets spéciaux

Archet : l'utilisation d'un archet est possible sur les minéraux les plus fins (cristal et verre) et présentant une arrête acérée, afin que l'archet puisse accrocher. Le résultat sonore sera cependant très variable. Il est souvent nécessaire d’utiliser les deux mains pour manier l’archet, l’une tenant bien évidemment l’archet, l’autre maintenant l'instrument en place afin d'optimiser l'effet.

Scratch : technique qui consiste à frotter le corps d'un objet à la surface rugueuse avec une pièce métallique (pièce de monnaie, batte de triangle, baguette de glockenspiel…), ou éventuellement avec un manche de baguette, en exerçant un mouvement rapide. On obtient alors une sorte de raclement plus ou moins granuleux et sonore.

Accord : il est possible de remplir un contenant minéral (verre, vase...) d'eau, ce qui modifiera la hauteur du son mais en réduira proportionnellement le sustain. On peut alors accorder précisément ces objets.

Chant du verre : on glisse le doigt le long du buvant d'un verre à pied, créant alors un son continu. Il y a une grande inertie entre le début du mouvement et la production du son. On pourra ensuite, en accélérant le mouvement ou en appuyant d'avantage, obtenir un lent crescendo et inversement. Cet effet sera beaucoup plus sonore sur un verre en cristal, et l'on identifiera mieux la fondamentale du son.

Gravier et autres petits minéraux : il est possible de verser du gravier, des cailloux, du sable, sur une surface sonore (plaque en verre, assiette, papier aluminium...), puis de les déplacer en frottant, secouant, tapotant... Cet effet peut être utilisé sur certains instruments, mais on veillera sur tous ceux présentant des mécanismes ou interstices, à proscrire tous les minéraux d'un diamètre inférieur à 1 cm ou poussiéreux, qui pourraient s'infiltrer, dégrader les instruments et générer de nombreux bruits parasites. Dans tous les cas, cet effet a tendance à être assez salissant, et le percussionniste risque de passer un temps important à rassembler ses cailloux à la fin de la pièce !

Bris de glace : la fragilité des minéraux permet de les casser facilement en les frappant ou en les laissant tomber. On obtiendra alors une sonorité rappelant un bris de glace. Attention cependant cette action peut être dangereuse et doit être réalisée avec prudence, en faisant par exemple tomber des verres dans un bac à hauts rebords, afin de ne pas disperser les débris et de ne pas projeter d'éclats. Dans tous les cas le percussionniste devra se trouver obligatoirement loin du public et des autres musiciens, mais également veiller à ne pas se blesser !

Répertoire & Notations

HAPPY END DE GEORGES APERGHIS (page 54) © Georges Aperghis. Reproduit avec l’aimable autorisation du compositeur
HAPPY END DE GEORGES APERGHIS (page 54) © Georges Aperghis. Reproduit avec l’aimable autorisation du compositeur
TO THE EARTH DE FREDERIC RZEWSKI (page 1) © Frederic Rzewski. Reproduit avec l’aimable autorisation du compositeur
TO THE EARTH DE FREDERIC RZEWSKI (page 1) © Frederic Rzewski. Reproduit avec l’aimable autorisation du compositeur
KOMBOI DE IANNIS XENAKIS (nomenclature) © Editions Salabert. Reproduit avec l’aimable autorisation de MGB Hal Leonard
KOMBOI DE IANNIS XENAKIS (nomenclature) © Editions Salabert. Reproduit avec l’aimable autorisation de MGB Hal Leonard
KOMBOI DE IANNIS XENAKIS © Editions Salabert. Reproduit avec l’aimable autorisation de MGB Hal Leonard
KOMBOI DE IANNIS XENAKIS © Editions Salabert. Reproduit avec l’aimable autorisation de MGB Hal Leonard
PERSEPHASSA DE IANNIS XENAKIS (nomenclature) © Musique Contemporaine. Reproduit avec l’aimable autorisation de MGB Hal Leonard
PERSEPHASSA DE IANNIS XENAKIS (nomenclature) © Musique Contemporaine. Reproduit avec l’aimable autorisation de MGB Hal Leonard