Le Guide de la Percussion

par Amélie Stillitano & Raphaël Simon

Percussion pour les non-percussionnistes

Avant de lire ce qui va suivre il est recommandé de lire d'abord la première partie des Trucs et Astuces consacrée à la "Percussion Solo". Vous ne trouverez dans cette partie "Percussion pour les non-percussionnistes" que des conseils complémentaires spécifiques à cette formation instrumentale.
Ecrire une partie de percussion pour les non-percussionnistes est une épreuve à la fois singulière et risquée. En effet, la percussion englobe une très large gamme d'instruments, qui nécessitent chacun une approche technique spécifique, et contrairement à certains préjugés, ne s'improvise pas percussionniste qui veut ! Tout percussionniste a déjà été confronté à des situations cocasses dans le cadre d'orchestres, un violoncelliste venant jouer de la grosse caisse, ou même un chauffeur de bus pour assurer la partie de tam ! Evidemment malgré leur bonne volonté on se doute du résultat plus que médiocre ! Il faut par conséquent être très prudent lors de l'écriture de parties de percussion pour d'autres instrumentistes, et respecter un certain nombre de règles si l'on ne veut pas que la pièce vire à la caricature. Dans tous les cas, cette démarche doit se justifier musicalement, et non pas servir à occuper les mains d'un chanteur, ou à éviter de recruter un percussionniste !

Elaboration de l'instrumentarium

Sélection des instruments

Lors de la sélection du ou des instruments il faudra de préférence se concentrer sur les instruments les plus simples à maîtriser, tels que les claves, les maracas et autres accessoires. On évitera l'utilisation de baguettes, ou techniques plus complexes, à moins d'adresser la pièce à des instrumentistes qui auront suivi une formation express auprès d'un percussionniste, et pris le temps de se perfectionner . Dans tous les cas, le compositeur devra spécifier sur la partition qu'il est indispensable que le musicien aille se renseigner en classe de percussion. Même un jeune élève pourra partager ses connaissances, et dix minutes de conseils changeront réellement le résultat sonore, en plus d'un gain de temps considérable dans le travail de la pièce. 

D'autre part la percussion sera-t-elle simultanée à l'utilisation de l'instrument principal, ou constituera-t-elle des transitions, des ponctuations ? Le rôle de la percussion dans l'œuvre sera en effet déterminant dans la sélection des instruments ne serait-ce qu'en fonction du nombre de mains qui lui seront consacrées !
Certains instruments qui peuvent paraître simples d'utilisation comme un djembé ou un conga (on tape dessus non ?), sont en réalité complexes d'utilisation si l'on souhaite en profiter pleinement, mais surtout peuvent blesser les mains du non-percussionniste s'il n'est pas aiguillé dans son travail.

Nombre d'instruments

Chaque instrument de percussion demandant un apprentissage spécifique, il est évident que l'on ne multipliera pas leur nombre pour les non-percussionnistes, car même le plus motivé d'entre eux ne sera pas prêt à travailler ses percussions pendant des mois au détriment de son instrument. Outre le travail en amont, un nombre important d'instruments induira des manipulations répétées, des notations spécifiques, et l'instrumentiste finira par s'y perdre.

Agencement du set-up

Si les percussionnistes sont habitués dès leur plus jeune âge à être entourés d'instruments, à monter des set-ups et à jongler avec trap tables et pupitres, c'est loin d'être le cas pour le reste des instrumentistes. On veillera donc à simplifier au maximum le set-up, en limitant le nombre d'instruments, mais également en les concentrant sur un même emplacement, ce qui permettra de réduire le nombre de pieds et de pupitres, et focalisera l'attention du musicien.

Trap table : ces tablettes sur pied recouvertes de mousse permettent de déposer accessoires et baguettes sans bruit. On pourra à la rigueur utiliser un simple pupitre en le recouvrant d'un tissu amortissant les chocs, mais cette solution reste moins stable, et dans leurs gestes inexpérimentés et précipités, les instrumentistes risquent de faire tomber les percussions ou de produire des impacts involontaires !

Ecriture

Ecriture rythmique

La percussion nécessite une grande indépendance entre les mains et même les pieds, et le travail de polyrythmies complexes, étranger aux instruments monodiques, fait partie intégrante de la formation du percussionniste. Chers compositeurs, soyez donc cléments et évitez les écriture rythmiques trop compliquées ! A adapter bien entendu en fonction de l'instrumentiste visé, le jeu d'un pianiste se rapprochant bien plus du jeu percussionnistique que celui d'un violoniste par exemple.

Temps de préparation

Les temps de préhension et de pose des accessoires, ainsi que les éventuels déplacements sont à intégrer dans le discours musical, et lorsque l'on écrit pour non-percussionnistes ce temps de préparation doit être important, comme si l'on s'adressait à un jeune élève d'une classe de percussion. Ce afin d'éviter les mouvements précipités, qui au-delà d'interrompre la continuité du discours musical et de polluer le rendu visuel de la pièce, risquent d'entraîner des accidents, chutes d'objets ou bruits parasites. Il est d'ailleurs intéressant que ces instructions soient notées sur la partition afin d'aiguiller l'instrumentiste dans ces manipulations, afin qu'elles s'intègrent parfaitement au flux musical de l'œuvre.

La partition

Notices explicatives

On apportera un soin tout particulier aux notices explicatives afin de faciliter le travail du non-percussionniste. Avant toute chose il faudra préciser que le musicien qui s'attèle à une pièce comprenant une partie de percussion devra impérativement se rapprocher d'un percussionniste, d'une part afin d'obtenir le résultat le plus satisfaisant possible, mais également pour lui faire gagner un temps précieux dans son travail.

Nomenclature : une liste détaillée des divers instruments, accessoires et baguettes utilisés au cours de la pièce, permettra à l'interprète de se procurer le matériel nécessaire sans oubli ou erreur.

Plan de set-up : un schéma clair du plan de set-up est indispensable lorsque l'on compose pour les non-percussionnistes.  En effet, si la capacité à concevoir un set de muti-percussions fait partie de la formation du percussionniste, cet exercice n'est pas maîtrisé par les autres instrumentistes, et il est donc indispensable de les aiguiller le plus précisément possible.

Récapitulatif global des notations : si joindre une notice des modes de jeu rencontrés dans la pièce est intéressant pour un percussionniste professionnel, cette démarche est indispensable dans le cas de pièces pour non-percussionnistes. En effet votre pièce sera sûrement la première confrontation de l'interprète avec la percussion, ses notations, ses modes de jeu, qu'il convient donc de décrire avec précision. Il peut également être judicieux d'y joindre des schémas descriptifs clairs afin de faciliter leur assimilation.

Mise en page

De nombreux instrumentistes étant habitués à lire une seule portée à la fois on tentera de limiter leur nombre, et dans le cas d'un nombre important d'instruments, on indiquera duquel il s'agit à chacune de leur apparition.

Les partitions pour non-percussionnistes se doivent d'être les plus claires et les plus explicitent possible. Il convient donc d'éviter de surcharger les partitions de dizaines d'annotations afin que le discours musical soit clairement lisible et assimilable.