Percussions corporelles Interviews Georges Aperghis Compositeur Jean-Pierre Drouet Percussionniste, Compositeur Vinko Globokar Compositeur Sommaire Le corps représente à lui seul un instrument à part entière, aux nombreuses zones de frappe, aux sonorités variées et au fort impact visuel. Outre le fait qu'il est l'instrument le plus pratique à transporter de l'instrumentarium, il offre un vaste panel de sonorités et une grande liberté de mouvement, permettant aux compositeurs de jouer sur la dimension chorégraphique et la spatialisation d'une pièce. D'autre part, il s'agit d'un excellent outil de travail d'indépendance et de coordination rythmiques qui ne nécessite pas de technique instrumentale particulière, et qui s'adresse à l'ensemble des musiciens sans distinction. C'est pourquoi, il est intéressant de familiariser les élèves dès le plus jeune âge, avec cette pratique, qui les aidera par ailleurs à s'approprier leur corps, l'espace scénique et à outrepasser leurs inhibitions.CorpsUtilisation sonoreDans le cas d'une utilisation purement sonore du corps, il serait inopportun de définir des zones de frappes en fonction des muscles (pectoraux, abdominaux...), qui n'auront pas du tout le même rendu sonore en fonction de la morphologie de l'interprète. On privilégiera donc plutôt une description des sonorités imaginées, en définissant dureté de la zone, registre, couleur du son, volume sonore, ce qui permettra au percussionniste de sélectionner les parties de son corps qui se rapprocheront le plus de cette sonorité. Dureté de la zone de frappe : on peut distinguer les zones dures ou osseuses, les zones intermédiaires, les zones molles et les zones creuses (ventre, joue...). Registre : étroitement lié à la dureté de la zone, mais également à l'action réalisée, les parties du corps seront plus ou moins aigües. Volume sonore : en fonction des nuances demandées on cherchera bien entendu une zone permettant d'atteindre les nuances maximales, sans avoir à taper trop fort et à se faire mal ! Position de la main : si ce choix est laissé à l'interprète, il pourra user de ce paramètre pour se rapprocher au mieux du son demandé. Vêtements : les zones recouvertes par des vêtements auront globalement une sonorité plus sourde et un spectre plus grave. Dimension chorégraphiqueLorsque le compositeur choisit d'écrire des percussions corporelles pour jouer sur son aspect visuel, la chorégraphie prime sur la dimension sonore. Par conséquent on ne tiendra pas compte de la liberté de sélection des zones de frappe énoncée ci-dessus, et on suivra scrupuleusement les indications du compositeur quitte à obtenir un résultat sonore différent selon l'interprète. D'autre part, le compositeur peut spécifier la tenue à porter pour la réalisation de la pièce, notamment si celle-ci offre une dimension théâtrale. Toutefois les percussionnistes ne sont pas danseurs et peu accepteront de jouer dénudés ou trop légèrement vêtus.Modes de jeuFrappe simple : la main frappe une partie du corps. La position de la main influe sur le résultat sonore, et on pourra en jouer afin d'obtenir une grande variété de sonorités sur une même zone de frappe : main à plat, creusé, paume seule, bout des doigts, nombre de doigts et de phalanges, pichenette du doigt... Glissé : la main glisse sur une ou plusieurs parties du corps, produisant un son léger. Il est possible de réaliser le geste avec plus ou moins de vivacité et de pression, permettant de légères variations de spectre et d'intensité. Frotté : on effectue un aller-retour rapide sur une zone réduite, sonorité plus soutenue que le glissé. Frappe sur la joue : la bouche forme une caisse de résonance naturelle, et les variations d'ouverture des lèvres permettent de faire moduler le son. Frappe sur les lèvres : en frappant les lèvres et en obstruant la bouche, on obtient un son rappelant celui obtenu en frappant le goulot d'une bouteille. L'ouverture plus ou moins importante des lèvres permet là aussi une modulation. Clappement de main : la frappe peut-être la plus répandue, qui permet de réaliser une large panoplie de sonorités et de nuances en fonction de la position de chacune des mains : à plat, en creux, doigts ouverts, paume seule, et du nombre de doigts et de phalanges utilisées. Claquement de doigts : un simple claquement de doigt, plus ou moins sonore, que l'on réalise en exerçant une forte pression du pouce sur le majeur, qui en se libérant percute la base du pouce. Attention cet effet sera difficile à réaliser pour certains, et nécessite un réel entraînement pour maîtriser le rendu et le volume sonore. Le stress, ainsi que l'effort des muscles pour tenir les baguettes, encouragent la transpiration des mains, et un claquement maîtrisé en répétitions peut ne plus fonctionner en concert ! A chacun sa solution : mouchoir, talc, magnésie... PiedsLes pieds permettent de nombreuses frappes. On peut limiter l'utilisation du pied à un simple pas sonore, ou puiser dans les techniques de claquettes ou de flamenco afin d'étendre le champ des possibilités sonores, mais également d'enrichir la partie de percussions corporelles d'une mobilité chorégraphique remarquable. Cependant, il est important de souligner que les percussionnistes ne sont pas des danseurs, et qu'ajouter une partie de claquettes complexe à une partition revient à lui demander d'apprendre à jouer d'un nouvel instrument, voire de maîtriser une nouvelle discipline artistique. Cet apprentissage sera certes très enrichissant pour l'interprète, mais lui demandera beaucoup de travail et de temps car n'est pas Fred Astaire qui veut !Attention ! Dans la plupart des cas lorsque les percussions corporelles sont associées à la spatialisation de la pièce et à une mise en scène théâtrale, l’interprète devra mémoriser sa partie mais également la chorégraphie. Ce n'est pas un problème en soi, mais cela requiert un temps de travail supplémentaire à l'interprète, et limitera forcément les possibilités d'écriture, un schéma répétitif ou des séquences très complexes étant difficilement mémorisables pour le commun des mortels ! Les modes de jeu sur le corps n'étant pas forcément très sonores, une légère amplification est souvent nécessaire. Cela ne posera pas de problème dans le cadre d'une pièce statique, mais pourra en devenir un en cas de déplacements multiples, notamment selon les parties du corps à amplifier et l'écriture. Lorsqu'un compositeur souhaite adjoindre une partie de percussions corporelles à une pièce instrumentale, il devra apporter un soin tout particulier à l'agencement du set-up. D'une part l'interprète aura besoin d'espace afin de ne pas être limité dans sa gestique, et d'autre part la percussion corporelle ayant un fort impact visuel, il serait dommage que le percussionniste soit totalement caché derrière ses instruments, au détriment bien entendu du public. Répertoire & Notations 7 CRIMES DE L'AMOUR DE GEORGES APERGHIS (sequence 1) © Georges Aperghis. Reproduit avec l’aimable autorisation du compositeur LE JARDIN D'EN FACE DE JEAN-PIERRE DROUET (page 11) © Jean-Pierre Drouet. Reproduit avec l’aimable autorisation du compositeur CORPOREL DE VINKO GLOBOKAR (page 1) © 1989 by Henry Litolff's Verlag. Reproduit avec l'aimable autorisation de Peters Edition Limited, London CORPOREL DE VINKO GLOBOKAR (page 2) © 1989 by Henry Litolff's Verlag. Reproduit avec l'aimable autorisation de Peters Edition Limited, London PENSEE ECARTELEE DE VINKO GLOBOKAR (nomenclature) © Editions Ricordi. Reproduit avec l’aimable autorisation de MGB Hal Leonard PENSEE ECARTELEE DE VINKO GLOBOKAR (page 6) © Editions Ricordi. Reproduit avec l’aimable autorisation de MGB Hal Leonard